Vous avez pu le constater via les chroniques des derniers mois, le éditeurs réussissent toujours à nous sortir quelques titres de qualité, voire même indispensables pour certains. Une jolie routine que j’aurais aimé voir se prolonger.Raté…
15: Ninja slayer (Kana, 1 tome sorti, 5 tomes en cours au Japon)
La collection Big Kana est en général synonyme de bonnes pioches, avec des titres matures et accrocheurs le plus souvent. Quand en plus de cela on retrouve le dessinateur des (controversés) Akumetsu et Wolf guy, il y avait de quoi se réjouir, puis vint la lecture…Et là, c’est le drame: scénario et dialogues dignes des pires Van Damme avec une tentative d’humour décalé ratée bien comme il faut, des scènes d’un mauvais goût absolu qui rappellent les pires heures de Wolf guy… Tout ceci pourrait encore être partiellement pardonné si seulement les scènes d’action n’étaient pas aussi illisibles! Un crash aussi monumental qu’inexplicable…
14: Fortress of apocalypse (Pika, 2 tomes sortis, série terminée en 10 tomes au Japon)
Le survival du mois! C’es vrai que ça manquait dans le paysage… ou pas. Débutant comme une série carcérale classique (mais sans développement des personnages, zut alors), la série vire rapidement au huis-clos quand des zombies débarquent dans la prison pour bouffer tout ce qui bouge. Rien de bien neuf dans tout ça, et quand on y ajoute une partie graphique quelconque et une forte tendance au gore facile pour remplir des cases vides de sens et de tension dramatique, on ne voit pas bien l’intérêt que pourrait susciter ce titre même chez les fans hardcore du genre. Halloween ne doit pas être le prétexte pour sortir tout et n’importe quoi…
13: Lost sahara (Ankama, 1 tome sorti, 3 tomes prévus)
Une petite production française, ça vous dit? Non? Je peux comprendre, surtout après avoir lu ce premier tome qui déborde d’idées, mais à trop vouloir en mettre… Un détective immortel à tendance amnésique se retrouve obligé de participer à un jeu de piste dangereux par sa dernière cliente en date, afin de retrouver son bien le plus précieux, sa mémoire, mais bien des choses semblent échapper à notre héros… Un postulat intéressant, mêlant différentes inspirations (de Memento à Uncharted en passant par Xxxholic…), qui ont du mal à s’imbriquer les unes dans les autres, avec une overdose de mystères et de faux-semblants qui finissent par agaçer plutôt qu’autre chose. D’un point de vue technique, là encore c’est mitigé: le découpage est plutôt bien fichu et maintient un bon rythme de lecture, mais le style rond et cartoonesque de l’auteur comporte des défauts non négligeables. Au final, un titre bancal auquel il ne manque qu’un peu plus de maîtrise pour donner un résultat satisfaisant.
12: Border (Komikku, 1 tome sorti, série terminée en 4 tomes au Japon)
Vous connaissez Ghost whisperer? Oui, la série de TF1 gnangnan où la pulpeuse Jennifer Love-Hewitt cherchait à libérer des âmes en perdition en enquêtant sur leur mort. Border, c’est à peu de choses près la même chose, sauf qu’ici c’est un flic qui se découvre des facultés de médium après avoir pris une balle…en pleine tête! C’est avec ce postulat périlleux que démarre la série…tranquillement…doucement…soporifiquement? Si l’auteure n’était pas Yua Kotegawa, que j’apprécie tout particulièrement depuis Détenu 042, pas sûr que j’aurais terminé la lecture de ce premier tome bien trop frileux dans son intrigue et au rythme affreusement mou du genou. Bien sûr, on retrouve ce mélange d’humour et de froideur qui font tout le sel des oeuvres de l’artiste, avec un duo de personnages qui fonctionne plutôt bien, mais pour le reste, rien de bien neuf sous le soleil. A voir si la suite remonte le niveau…
11: Miaou (Nobi-nobi, 1 tome sorti, 2 tomes en cours au Japon)
« Trop vieux pour ces co…. », telle a été ma réaction après avoir bouclé ce premier volume qui nous raconte le quotidien tout meuuuugnon de Miaou, un chaton espiègle qui comprend tout de travers. Si ça vous rappelle quelque chose, c’est normal… quoique! Car si la comparaison avec Chi est inévitable, Miaou! joue la carte des personnages secondaires forts, avec une cane mutique qui navigue entre les statuts de maman hyper-protectrice et proie potentielle, ou bien un chat typé yakuza (balafre incluse!) qui terrorise le quartier bien malgré lui. On vous emballe tout ça dans des situations souvent convenues et graphiquement aléatoires, et vous obtiendrez un produit parfaitement calibré pour les jeunes enfants pas trop regardants sans que ça ne déchaîne les foules outre mesure. Cibler un public, c’est louable, le surprendre, c’est mieux: c’est peut-être là la plus grande différence entre Chi et Miaou!, en fin de compte…
10: Gokicha (Komikku, 1 tome paru, 4 tomes en cours au Japon)
Après les chats, voici les cafards mignons… décidément, l’imagination des auteurs nippons m’étonnera toujours! Gokicha est un titre à placer dans la catégorie Yonkoma, ces mangas humoristiques en 4 cases verticales qui se succèdent, parfois sans queue ni tête et qu’on retrouve souvent en suppléments bonus sur d’autres séries, sortes de défouloirs pour mangaka. J’avoue que ce n’est pas forcément ma tasse de thé, surtout sur toute la longueur d‘un volume relié. Alors quand c’est pour raconter le voyage tumultueux d’une blatte vers Hokkaido pour y vérifier la présence ou non de nuisibles comme elle, l’histoire aurait pu s’arrêter là…Heureusement pour la petite Gokicha (et pour mon libraire adoré), la clarté des dessins et la qualité de l’édition m’ont poussé à aller plus loin, avec le vif espoir de tomber sur une petite pépite d’humour. Contrat pas totalement rempli, puisque l’ambiance globale du manga ne pousse pas à la franche rigolade mais plutôt à prendre en pitié cette pauvre petite blatte généreuse (mais un peu niaise, faut bien le dire) qui aime tout le monde mais que tout le monde hait. Presque poétique tout ça, mais bien trop répétitif pour laisser sa chance à ce petit insecte, si tendre soit-il…
9: Levius (Kana, 1 tome paru, 3 tomes en cours au Japon)
Si les japonais se mettent au sens occidental de lecture, où va le monde? Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas me lancer dans un débat stérile et puérile, mais bien me pencher sur le cas de ce Levius, aussi intriguant que déroutant. Déroutant graphiquement, avec une technique quasi photographique de séparation des plans pour mieux mettre en avant les éléments importants d’une case, et force est d’admettre que ce parti-pris colle plutôt bien à l’univers steampunkproposé, froid et presque lugubre, dont les habitants semblent fantomatiques… C’est dans ce contexte qu’on suit Levius, ado orphelin de guerre pas très causant qui se lance, sous la houlette d’un oncle fantasque, dans le sport violent à la mode, la boxe mécanique. Bien évidement, le gosse a du talent et va vite gravir les échelons, pour un plus grand destin… Sorte de croisement poisseux entre Ippo et Gunnm, Levius est plein de promesses mais laisse le lecteur un peu à quai, faute de rebondissements réellement surprenants et d’un univers si froid et esthétisant qu’il laisse de marbre. Pas un ratage, loin de là, mais pas la révolution espérée.
8: GTO Paradise lost (Pika, 2 tomes parus, 3 tomes en cours au Japon)
Grosse locomotive de cet automne et attendu de pied ferme par une horde de fans, cette suite du cultissime GTO déçoit. N’y voyez pas une envie facile de brûler aujourd’hui les idoles d’hier, mais le constat est là: GTOPL démarre (trop) tranquillement, malgré ce que pourrait laisser espérer les 2 premières pages, où l’on retrouve notre prof préféré en bien mauvaise posture, puisqu’il est … en taule! La suite du tome revient six mois avant, quand Onizuka se retrouve à devoir gérer les débordements d’une classe de starlettes du showbiz où le niveau de considération d’un élève dépend de sa popularité. Pas terrible pour installer une ambiance saine dans la classe… On assiste alors au bal des passages obligés de GTO: les petits caïds bien décidés à éjecter l’élément perturbateur Onizuka, ce dernier toujours aussi naïf avec les filles, les courses avec les flics, etc…Rien ne change dans le monde de Fujisawa et c’est bien dommage, car l’on a l’impression d’assister à une redite paresseuse, guère passionnante. Seul le postulat de départ pousse à connaitre la suite, mais c’est quand même frustrant de résumer l’interêt d’un tome à ses seules premières pages quand on est aussi attendu! Mr Fujisawa, ressaisissez-vous, le soldat Onizuka est en péril!
7: Devil’s line (Kana, 2 tomes parus, 6 tomes en cours au Japon)
Chouette, des vampires! Ca nous manquait… Tsukasa, jeune fille tout ce qu’il y a de plus normale, va croiser la route de Yuki, jeune flic chargé de traquer les vampires incapables de résister à la tentation du sang frais. Entre ces deux-là va bien évidement naître une relation complexe, puisque Yuki est lui-même un hybride mi-humain mi-vampire pas loin de basculer du coté obscur! Pour celles et ceux qui ont eu du mal à se remettre du visionnage de Twilight, passez votre chemin. Pour les autres, vous trouverez un mignon petit couple, dont les constituantes cherchent à s’apprivoiser tout en ayant bien conscience que leur relation peut à tout moment prendre une tournure dramatique. C’est d’ailleurs cette tension qui fait tout le sel de ce titre qui, pour le reste, n’a rien de transcendant, voire agaçant quand certains éléments rappellent un peu trop Tokyo Ghoul. Ni bon ni mauvais, juste quelconque, en somme.
6: Bestiarius (Kaze manga, 2 tomes sortis, 3 volumes en cours au Japon)
Kakizaki est un tueur, il faut dire les choses telles qu’elles sont. De Rainbow à Green blood en passant par Hideout, son style reconnaissable au premier coup d’oeil s’adapte parfaitement à tous les genres. C’est donc avec grande curiosité que je me lançais dans la lecture de Bestiarus, croisement étrange mais pas si farfelu de fantasy historique. Car l’idée de confronter l’Empire romain aux créatures mythologiques est plutôt bien vue, et l’auteur utilise le premier tome pour mettre en place son univers avec 2 petites histoires qui jettent des bases au potentiel certain. Il est juste dommage qu’elles soient aussi simplistes et convenues dans leur déroulement, avec des dialogues manquant grandement de finesse. Le second volume approfondit davantage les choses en développant une trame de fond un peu plus consistante, mais sans toutefois surprendre les lecteurs les plus aguerris. Une série où l’on sent bien que l’auteur se fait plaisir à donner vie à toutes sortes de créatures et qui n’a pas d’autre but que de divertir. Dommage que ça n’aille pas beaucoup plus loin, mais c’est déjà ça, me direz vous…
5: Soloman (Doki-Doki, 1 tome sorti, série terminée en 2 tomes au Japon)
Série très courte oblige, il est plutôt difficile de parler de l’intrigue de Soloman sans déflorer une partie de ses rebondissements! Une choses est sûre, ne vous arrêtez surtout pas au résumé, bien que celui-ci soit plutôt intriguant: comment réagiriez vous si vous récupériez des super pouvoirs sans que ça serve à grand chose puisque vous êtes le dernier humain sur Terre? Ironique, non? C’est ce qui arrive malheureusement à Ryô, jeune hikikomori supportant mal ses capacités de médium, qu’un appel au secours va extirper de sa chambre pour constater le monde en désolation dans lequel il va devoir errer, seulement affublé de l’esprit de sa persécutrice en chef (et accessoirement sa demi-soeur). Mais être le seul humain sur Terre ne signifie pas être totalement seul… L’histoire file comme le vent en ne peaufinant pas tellement certains détails mais dans l’ensemble, c’est plutôt plaisant voire surprenant, et graphiquement ça tient la route sans en faire trop. Une bonne petite surprise qui en serait une bien plus grosse si le second et dernier tome se révélait du même acabit!
4: Sorcière et ténèbres (Komikku, 1 tome sorti, série terminée en 2 tomes au Japon)
Aaaah, les mangas étiquetés Halloween: chaque année, en cette période automnale, les éditeurs nous dénichent toujours 1 ou 2 titres que les libraires pourront facilement mettre en avant pour garnir une vitrine thématique, citrouilles et toiles d’araignée cotonneuses incluses, sans trop se soucier de la qualité véritable du titre… Cette fois-ci, c’est Komikku qui s’y colle avec ce diptyque épais, oeuvre de jeunesse de l’auteur du très chouette Rudolf Turkey, et je suis bien forcé d’admettre que le coup marketing est plutôt réussi. Si le style de l’auteur n’était pas encore aussi affirmé, avec des personnages un peu raides, cette histoire de chasse aux sorcières menée par un ténébreux jeune homme au look de momie (il est photophobe le pauvre garçon) qui, pour les besoins de son enquête, va faire équipe bien malgré lui avec une … sorcière (gentille, donc ça passe). Cette dernière va s’enticher de son coéquipier dès le premier coup d’oeil, perturbant sérieusement ce dernier lors de petites enquêtes qui, mises bout à bout, dessinent un complot de plus grande ampleur… Indéniablement classique mais bien mené dans son déroulement et avec certains personnages secondaires qu’on souhaiterait prendre plus de poids par la suite mais un duo principal qui tient bien la baraque, le volume se dévore malgré tout vite et bien, comme les sucreries distribuées aux enfants les soirs d’Halloween, un juste retour des choses en somme..
3: Chiisakobé (Le lézard noir, 1 tome paru, série terminée en 4 tomes)
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Mochizuki ne fait rien pour attirer le lecteur via ses couvertures, entre les couleurs criardes du cultissime Dragon head et les zooms étranges de Maiwai… Chiisakobé ne déroge pas à la règle avec ce couple étrangement assorti plaqué sur la couverture comme un mauvais photo-montage qui aurait plutôt tendance à faire fuir qu’à séduire… Heureusement, question contenu, l’auteur reste aussi dans ses standards avec une histoire simple au ton subtilement décalé: Shigeru, un hipster architecte, est obligé de reprendre en main l’entreprise de BTP familiale après le décès de ses parents dans un incendie, une tâche d’autant plus ardue qu’il souhaite conserver l’immense maison familiale. Il sera aidé dans sa tâche par Ritsu, une jeune fille au pair, amie de jeunesse au caractère bien trempé et bien décidée à l’obliger à accueillir des orphelins dont elle s’occupait avant que l’incendie ne détruise leur orphelinat! Notre barbu étant lui aussi tête de mule et les enfants un brin ingérables, rien ne sera simple, et quand les sentiments s’en mêlent… Toujours en apesanteur, le récit avance doucement, l’auteur soulignant les émotions de ses personnages en « scrutant » autant les visages que les autres parties de leur corps, comme s’il souhaitait disséquer cette relation naissante sous tous les angles. L’originalité des personnages finit par nous emporter vers une issue qu’on devine mais dont le trajet devrait être suffisamment mouvementé pour être intéressant à suivre!
2: Unlucky young men (Ki-oon, 1 tome paru, série terminée en 2 tomes au Japon)
Otsuka, l’auteur du passionnant mais tortueux MPD psycho, décide de nous plonger au coeur des années 60 au Japon via un polar social où l’on suit les destins croisés de N, criminel en fuite qui cherche à se faire oublier, et T, comique à lunettes sans grand talent. Ces deux-là vont se lier d’amitié en bossant ensemble dans un bar à hôtesses miteux, quand T propose à N de jouer dans un petit film indépendant dont la trame ressemble étrangement au déroulement du braquage le plus célèbre jamais réalisé au Japon… Entrecroisant habilement les anonymes borderline et les figures de l’époque sur fond de changements radicaux dans la société japonaise des sixities, le récit transpire d’une soif de vivre ses rêves jusqu’au bout, libérée des carcans nippons qui pèsent sur les épaules de cette génération-là, comme un écho aux évènements ayant eu lieu chez nous lors de Mai 68. Que ce soient par les révoltes étudiantes, le développement de la pensée communiste ou la libération sexuelle avec tout ce que ça comporte de débordements… Passionnant de bout en bout malgré l’épaisseur du volume, bénéficiant d’une qualité d’édition irréprochable, le titre bénéficie qui plus est du trait impeccable de l’auteur de Dragon Quest Emblem of Roto, précis, fin et profond dont la narration carrée colle parfaitement au récit. Un must pour toutes celles et ceux que l’histoire moderne nippone intéresse un tant soit peu.
1: L’oiseau bleu (Ki-oon, one-shot)
Celles et ceux qui me connaissent savent à quel point il m’est aisé de lâcher une petite larmichette au moindre sujet sensible. Alors vous imaginez bien qu’un titre mêlant gestion du deuil et déchéance physique liée à la maladie ne pouvait me laisser de marbre… C’est donc les joues bien humides que j’ai terminé la lecture de ce manga touchant mais qui ne tombe jamais dans la sensiblerie gratuite, décrivant poétiquement, souvent crûment, la manière dont l’être humain doit se relever et/ou avancer malgré le sort qui peut s’acharner sur lui ou sa famille. Découpé en 2 histoires dont les personnages s’entremêlent, le titre permet aussi d’explorer les failles béantes du système de santé japonais quand il s’agit d’accompagner des malades touchés par des afflictions de longue durée, qu’on pousse petit à petit vers la sortie pour mieux se débarrasser du problème et laisser la famille se débrouiller comme elle peut… Des problématiques qui sont tout à fait superposables à la situation dans notre beau pays, soit dit en passant. Bien sûr, tout ceci n’est pas exempt de défauts (le trait incertain de l’auteur divisera), mais la force du récit, comparable à sa précédente oeuvre Le chien gardien des étoiles, emporte tout sur son passage. Une oeuvre nécessaire? Oui Monsieur!
Au final, une période qui souffle le chaud et le frigorifique, avec des titres extrêmement faibles d’un coté, et de l’autre, un éditeur, Ki-oon, qui sort 2 oeuvres matures quasi-indispensables. Mais que la lumière a mis du temps à venir…